Jean-Marie Valentin
Aristote écartelé – Poétiques du théâtre allemand
de la Renaissance à Brecht et Müller
Klicnsieck (coll. «Germanistique»),
Paris, 2014, 328 pp.
ISBN: 9782252039496
Prévalence du matériau, parataxe, autonomisation
des éléments – le théâtre contemporain rejette le texte au profit de la
présentation et de la performance dont il n’est plus que le produit dérivé. La cible ?
Aristote et le muthos décrétés par les prophètes du
« post-dramatique » origine universelle de tous les maux.
À travers les affrontements historiques de
l’archaïque et des successives modernités, il apparaît toutefois qu’il existe
depuis la Renaissance des aristotélismes que révèlent gloses et entre-gloses.
La pensée du théâtre et ses réalisations portent la trace de ce bouillonnement
pluriséculaire. L’Allemagne, retenue ici comme champ d’observation, éclaire ce
qu’il en fut, du théâtre confessionnel jusqu’à Brecht en passant par la fête
baroque (Lohenstein), la tragédie bourgeoise (Lessing), les traitements du
mythe et de l’histoire par A.W. Schlegel, Kleist et Grabbe. La Poétique n’a
cessé de nourrir la réflexion, Aristote apparaissant alors moins comme une
norme ou une cible que comme un moyen pour exprimer des conceptions parfois
diamétralement opposées. Si Lessing est placé au centre chronologique de ce
livre, la confrontation de la théorie et des écritures dramatiques et scéniques
révèle, dans l’éloignement du texte-source opéré par le romantisme, une
fécondité paradoxale, visible jusque dans sa négation la plus radicale.
Sommaire
Avertissement
Aristote et les aristotélismes
Le texte et la performance
I. Le jeu des boules de billard
II. Le « pré- », le « post- » et entre les deux, le …rien (?)
III. Retour au texte-source
IV. Le triomphe de la glose
V. Entre le trop peu et le trop. G.E. Lessing et A.W. Schlegel
VI. Le mythe et l’histoire
VII. Peut-on parler d’un aristotélisme moderne rétablissant l’ancien dans ses
droits ? Brèves observations sur Brecht, le muthos et autres catégories
VIII. La « performance » – une dictature ? Et qu’y a-t-il après le « post » ?
Chapitre I
Rhetor et histrio.
L’acteur, le service du texte et le jeu improvisé
I. Sur l’origine
II. Le dramatique et le théâtral
III. L’Église ou le lupanar
IV. Les Italiens de Paris
V. Les lazzi
Chapitre II
Les jésuites et la scène
Salut, Providence, pédagogie chrétienne
I. Prolégomènes
II. La marche du monde
III. La question du didactisme
IV. Aristote : une difficile fidélité
Chapitre III
Le drame de martyr européen et la question du héros parfait
I. Le cadre et les concepts
II. Catholiques et protestants
III. La tragédie de l’innocence : Jacob Masen
IV. Le projet de tragœdia sacra
V. L’apport du Collège Romain : Tuccio et Stefonio
VI. Galluzzi, Platon, Aristote : « rénover la tragédie antique »
VII. La tragédie de Crispus
VIII. Efflorescence et discontinuité
IX. Transferts, littérature et société
Chapitre IV
La Sophonisbe de Lohenstein
Tragédie et fête baroque
I. L’héritage renaissant
II. Le spectacle des émotions
III. Les Reyen
IV. Les genera
V. Au-delà du temps historique
Chapitre V
Gotthold Ephraim Lessing, l’essentialiste
I. Un « livre » singulier
II. De la philologie à l’invention de la critique
III. Les genres dramatiques. Postulats
IV. La tragédie
V. Le « drame de martyr »
VI. Une grandeur indifférente à la morale ?
VII. Des accommodements impossibles
VIII. Diderot, fausses et vraies convergences
IX. Du comédien – mais sans « paradoxe »
X. Contre Diderot. Remettre le théâtre sur ses pieds
X. Un écueil : les « caractères parfaits »
Chapitre VI
August Wilhelm Schlegel, le romantisme d’Iéna
et le tragique philosophique. Au-delà d’Aristote
I. Les voies neuves du national
II. Coppet, Corinne et le tableau du baron Guérin
III. Une méthode, des postulats
IV. Culture et anthropologie
V. Racine, synthèse du classicisme français
VI. Euripide, « le moins tragique de tous les tragiques » ou la
triade recomposée
VII. Antisocratisme, antiaristotélisme et conception existentielle du tragique
VIII. La tragédie des Modernes. Nature, histoire, nouveaux chemins
IX. Un dialogue difficile
Chapitre VII
Heinrich von Kleist, Penthésilée
et le retour du dionysiaque euripidien
I. Tragédie et tragique
II. La mutation sémantique du tragique et ses limites
III. Deux modèles concurrents
IV. Le dramatique et le théâtral
V. Oreibasia, sparagmos, omophagia
VI. Une « tragédie parfaite » ?
Chapitre VIII
Histoire et théâtralité. Napoléon ou les Cent-Jours
de Christian Dietrich Grabbe
I. Le héros dans l’histoire
II. L’acteur et la métaphore du jeu
Chapitre IX
Brecht et Aristote – mais quel Aristote ?
I. La question de la nouvelle écriture dramatique
II. Présence de la glose
III. Mimesis, Einfühlung, catharsis
IV. L’intrasocial
V. La médiation de Lessing
VI. Critique de l’obscurcissement et du camouflage
VII. Marx vs Aristote
Index nominum
Jean-Marie Valentin (Sorbonne/IUF), membre de la
«Deutsche Akademie für Sprache und Dichtung», est spécialiste de la
poétique du théâtre allemand depuis le XVIe siècle. Aux Éditions
Klincksieck il a donné en 2010 une traduction commentée de la Dramaturgie de
Hambourg de G.E. Lessing et co-dirigé en 2012 Bertolt Brecht et la
théorie dramatique.